L'INREES reprend un article du 11/11/12 du journal Le Monde.fr

Quand le yoga se démocratise à l'école

Avoir des élèves sages et concentrés en cours…Un rêve pour de nombreux enseignants. Une réalité dans certains établissements scolaires. Leur secret ? Des cours hebdomadaires de yoga. Résultat, des élèves plus calmes, plus concentrés, et surtout plus réceptifs aux cours.
© Jason.l.Ryan « Jennifer, Aliénor, Gabriel... Disposez les tapis en étoile. On s'assoit, les jambes croisées en lotus. On inspire par les narines, on expire par les narines... calmement... On a juste à sentir l'air qui entre et sort... Le dos bien droit, on va tendre les mains très haut vers le ciel, comme pour toucher le sommet d'une montagne. Maintenant, relâchez tout et bâillez. On va se lever et se pencher en secouant les bras » : Ulrika Dezé, diplômée en sciences de l'éducation et fondatrice de Yogamini, une méthode ludique et pédagogique de yoga, commence son cours avec les élèves de CE2 à l'école primaire des Francs-Bourgeois (école privée sous contrat), à Paris.
Le projet a démarré il y a trois ans. « La directrice constatait que beaucoup d'enfants étaient stressés, avec des maux de ventre et de tête. Ils avaient du mal à se concentrer et cela avait un impact en classe. J'ai proposé un atelier yoga pendant six mois, et les résultats ont été si positifs, les enseignants tellement satisfaits, que les cours se sont institués. Si les enfants sont mieux dans leur peau et dans leur tête, ils sont mieux à l'école », dit Ulrika Dezé avec sourire chaleureux.

Le yoga pour enfants est bien différent de celui destiné aux adultes. Ainsi, les cours alternent des histoires où l'on mime des postures, le cygne, la chandelle ou l'arbre, des épisodes relaxants basés sur la respiration pour calmer les émotions, des dessins de mandalas favorisant la concentration et des jeux qui améliorent le rapport à l'autre. En quelques minutes, ces écoliers agités sont détendus, concentrés et souriants. Même les plus indisciplinés, comme Paul : « J'adore le yoga parce que c'est pas du travail et ça me détend. » Aliénor fait même des exercices chez elle le matin. « Je travaille mieux en classe, je retiens mieux », confie-t-elle. Tous les élèves de CE2 sont unanimes pour dire que cette pratique leur fait du bien.
Caroline Allard, leur enseignante, le confirme. « Quand ils sortent du cours de yoga hebdomadaire, ils sont concentrés, posés, et je peux aller plus en profondeur dans l'apprentissage. Paul arrive maintenant à rester calme. Au fil des séances, j'ai vu son attitude changer et ses notes grimper ! L'école privilégie les résultats et l'intellect. Rarement l'être. Ce sont eux qui me demandent : "Maîtresse, et si on respirait cinq minutes, si on faisait l'arbre ?" »
Pour Ulrika Dezé, il importe d'associer les enseignants à cette expérience et de les former au yoga. "Ils suivent le cours, et cela leur donne des outils en classe. S'ils sont moins stressés et reviennent au calme intérieur, eux aussi sauront mieux enseigner et gérer leur classe", remarque-t-elle. Former les enseignants est un axe essentiel du yoga à l'école, défendu par Micheline Flak, pionnière en France avec un projet pilote au collège Condorcet en 1973, à Paris, et fondatrice du centre Recherche sur le yoga dans l'éducation (RYE) en 1978. Elle a formé plus de deux mille enseignants qui ont intégré la relaxation dans leur temps de cours - obtenant des résultats étonnants chez les élèves en difficulté.

Le yoga s'implante en milieu scolaire et concerne déjà 70 000 élèves. Dominique Daumail, professeur d'éducation physique et sportive dans un lycée de Pontoise, témoigne : « J'ai des ados de 15 à 18 ans dont beaucoup sont indisciplinés et anxieux. Je les fais respirer en traçant un trait montant puis descendant, en insistant sur l'expiration pour évacuer les tensions et apaiser le stress physique, émotionnel et mental. Ils se calment en moins de cinq minutes, puis observent intérieurement leur état de calme, de concentration et d'écoute. Ils sont alors prêts à apprendre. »
Rendre les élèves autonomes, tel est son objectif. « Après chaque séance, je leur demande d'évaluer ce qu'ils ont ressenti et de pratiquer par eux-mêmes l'exercice qui leur a fait le plus de bien. Ils acquièrent ainsi un aperçu global des techniques et peuvent s'approprier l'exercice qui leur va le mieux pour réviser un examen ou contrôler leur trac le jour J. Grâce à cette pédagogie, ils s'aperçoivent qu'ils ont un mental et des émotions, et qu'il est possible d'apprendre à les contrôler. »
Laurence Scheibling, professeur des écoles et de yoga, intervient, elle, dans le cadre du dispositif ULIS (unité localisée d'inclusion scolaire), auprès d'élèves ayant un handicap léger, sensoriel, moteur ou mental. « Avec les autistes, je stimule l'attention portée à l'autre par des exercices d'écoute et de relaxation. Chez ceux présentant des troubles moteurs, on travaille sur la posture et le ressenti corporel. » Cette pratique à l'école dépend pour l'instant d'initiatives locales et spontanées d'enseignants en matière générale, qui ont été formés aux techniques de yoga ou de professeurs de yoga intervenant en milieu scolaire.

Au ministère de l'éducation nationale, un responsable qui a suivi ce dossier l'admet : « C'est une initiative bénéfique, et nous étudions la proposition de Micheline Flak d'intégrer le yoga dans le cadre de l'expérimentation lancée en 2010 [matières fondamentales le matin et ateliers (culture, arts, sport) l'après-midi]. Il y a déjà de l'expression corporelle et de la relaxation. Mais le yoga pourrait se généraliser s'il y a des organismes agréés de qualité ou reconnus car proposant une méthode pédagogique et une formation comme celle du RYE. » Mais il reste prudent : « L'activité doit être bien encadrée. L'école reste vigilante sur la qualité des intervenants et sur ce que l'on propose aux enfants. »

Pauline Garaude
Le Monde.fr

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